La conception de l’autisme a évolué et elle pousse les professionnels à changer le regard qu’ils portent sur les parents. D’abord parents coupables, puis dysfonctionnels par leur souffrance, aujourd’hui, il est temps d’envisager les « compétences » des parents. Ainsi, les professionnels doivent accompagner les familles mais également pratiquer un partenariat en fonction des spécificités de chacune d’elles.
Or, en France, les prises en charge de l’autisme peinent à se moderniser. Le partenariat « professionnels – parents » est encore trop rare. Elouard s’interroge sur "le sentiment de supériorité ou de toute-puissance de certains professionnels qui se permettent d’écraser des parents fragilisés par les difficultés vécues au quotidien". En effet, il ajoute que « certains professionnels auraient un prétendu savoir sur ce qu’il faut faire ou ne faut pas faire ». Ils se permettraient également « d’opposer des règlements inutiles qui n’ont pour unique fonction que de se protéger de ce qu’ils considèrent comme des intrusions insupportables ». Mais il est important de comprendre que les parents ne peuvent faire confiance aux professionnels que « s’ils se sentent eux-mêmes reconnus comme véritables partenaires, écoutés, entendus et respectés dans leurs choix. Les parents ont un savoir irremplaçable et unique sur leur enfant ».
L’expertise parentale
De plus en plus de parents se forment dans des domaines variés et complexes comme par exemple celui des neurosciences pour mieux comprendre les modes de fonctionnement cérébral de leur enfant atteint d’autisme. D’autres parents se forment aux différentes méthodologies (TEACCH, ABA, PECS,…), ou se renseignent dans les domaines médicaux pour pouvoir agir sur les troubles alimentaires ou du sommeil présent chez leur enfant. De nombreux parents connaissent les lois françaises, car celles-ci sont devenues des outils pour « défendre les droits de leur enfant citoyen à part entière de la société française ».
De plus, l’autisme est parfois associé à des pathologies génétiques, comme l’épilepsie. Les parents deviennent alors des « parents spécialisés » car leur rôle dépasse de loin celui de parent d’enfants dits « neurotypiques ».
Partenariat et formation : une aide précieuse dans le processus d’accompagnement éducatif
Face à l’efficacité des prises en charge partenariales, tant au niveau national qu’européen, des recommandations ont été faites pour encourager des interventions basées sur un partenariat parents-professionnel (PPP). Depuis les nouvelles obligations légales et éthiques (mentionnées par la HAS et l’ANESM), voici 3 points importants à prendre à compte cités par Elouard dans son livre :
Reconnaître les compétences des parents concernant leur enfant. Selon Jacques Constant « en pays autiste les parents en savent toujours beaucoup plus sur leur enfant que tous les professionnels réunis ». De plus, Eric Schopler (fondateur du programme TEACCH), prône depuis 40 ans une pratique éducative considérant les parents comme co-thérapeutes.
L’information réciproque. Il s’agit de renseigner les parents sur le quotidien de leur enfant sans interpréter leur besoin d’information comme une intrusion ou la manifestation d’une relation fusionnelle. Les professionnels doivent adopter une attitude ouverte face aux propositions, aux questions et aux inquiétudes des parents. Du côté des intervenants, il s’agit de chercher des informations auprès des parents afin d’enrichir leur connaissance de l’enfant et de nourrir leur pratique.
L’exercice d’une empathie active. Il ne suffit pas d’écouter la souffrance de l’autre, mais de s’intéresser à la vie quotidienne et de proposer des solutions éducatives permettant d’améliorer ce quotidien pour l’enfant et pour la famille. Les professionnels doivent œuvrer auprès des enfants tout en apportant un soutien aux parents en reconnaissant leurs compétences.
En France, comme le souligne Elouard, cette approche est difficile à mettre en place. En effet, « la formation des professionnels sur l’autisme est insuffisante et souvent basée sur des concepts périmés. Ils sont parfois démunis face aux problématiques autistiques ». Il est donc important que les professionnels se forment régulièrement, pour actualiser leurs connaissances sur l’autisme et qu’ils prennent en compte l’expertise des parents « impliqués et engagés » dans le bien-être de leur enfant, sous l’angle d’un partenariat positif.
Mais que signifie un « partenariat » ?
Notion de partenariat
A l’annonce du diagnostic, les parents ont besoin d’un soutien et cela tout au long de la vie de leur enfant même une fois adulte. Ils souhaitent obtenir une « aide concrète à domicile pour les soutenir dans leur recherche de stratégies éducatives et de prévention des troubles de la conduite ». C’est pour cela que le partenariat est primordial.
En effet, selon Elouard, « c’est un outil relationnel, de communication, de partage de savoirs qui, à bien des égards, se révélera aidant pour favoriser l’épanouissement de la personne ayant un autisme. Le partenariat aide également les parents à mieux comprendre l’autisme de leur enfant, mais les place aussi et naturellement comme les « experts » de leur enfant (Jim Sinclair, 1993). Il améliore aussi l’estime de soi chez les parents et réduit leur niveau d’anxiété à travers l’implication active parentale ». Krieger & al. (2013) ont également réalisé une étude qui a montré que l’implication des parents dans la prise en charge de leur enfant leur apportait beaucoup de bénéfices au quotidien. Pour les professionnels, le partenariat leur permet de réaliser un accompagnement de meilleure qualité.
La triade relationnelle : enfant/adulte avec TED – Famille – Professionnels
Les parents que les professionnels ont formés comprennent mieux leur enfant et savent s’adapter à ses particularités. « Plus les parents sont formés et plus ils peuvent généraliser l’application des stratégies d’apprentissages à domicile », ce qui optimise la qualité du travail éducatif. Des études ont montré le succès de l’implication des parents dans la prise en charge de leur enfant (Boudreault, Kalubi, Sorel et al., 1998 ; Brookman-Frazee, 2004 ; Dunst et Dempsey, 2007 ; Kerr, Mulhern, Mcdowell, 2000).
L’implication familiale optimise donc le processus d’accompagnement de l’enfant. Elle permet aussi de « préserver la fonction parentale ». Elle favorise « l’ajustement des stratégies, initialement proposées par les professionnels, par un retour d’informations. Lorsque le professionnel donne une grille d’évaluation aux parents, il valorise ainsi les compétences éducatives des parents ».
Selon Elouard, « le fait d’impliquer les parents ne relève pas d’un principe philosophique ou d’une idée humaniste mais bien d’un principe technique dont les avantages prendront une large portée sur le plan humain et éthique ».
Outils pour faciliter la communication entre les partenaires
Voici quelques outils cités par Elouard dans son livre pour que la communication parents/ professionnels se réalise plus aisément :
Les rencontres informelles
Les contacts téléphoniques
La transmission d’informations via les e-mails
La correspondance hebdomadaire ou mensuelle via le cahier de liaison, qui permet ainsi aux professionnels de communiquer sur des points qui ne concernent pas exclusivement les aspects éducatifs, mais aussi ceux qui permettront aux parents de mieux se représenter à quoi ressemble la vie de leur enfant lorsqu’il n'est pas présent avec eux
Les enregistrements filmés
Pour conclure, les parents, « de par leur statut de représentants légaux, sont placés au cœur même du processus décisionnel ». Les professionnels doivent donc donner une place réelle aux partenaires parents. « C’est un principe soutenu par les lois françaises », mais hélas encore peu appliqué. Or, ce principe de partenariat pourrait apporter beaucoup de bénéfices, tant pour les personnes autistes, que pour les familles et les professionnels, s’il était plus souvent mis en place dans les prises en charge.
« J’ai appris à connaître le vécu si difficile de ces parents, j’ai cherché à comprendre leur point de vue, à les respecter. Je ne crains pas de dire aujourd’hui qu’ils m’ont beaucoup plus appris sur l’autisme que tous les livres savants sur la question. Je me suis souvent demandé : « Et si j’étais à leur place, est-ce que je ferai mieux ? ». Certainement pas, et à leur contact, j’ai appris l’humilité, j’ai appris à ne pas juger ». Patrick Elouard
Corinne
Sources :
Elouard, S. (2012). Autisme : le partenariat entre parents et professionnels, un facteur favorable à la bientraitance. AFD Edition, Grasse.
Krieger, A-E., Saïs, T., & Adrien, J-L. (2013). Promouvoir le partenariat parent-professionnel dans la prise en charge des enfants atteints d’autisme. L’Encéphale, 130 – 136.